La science ouverte et les frontières des données anthropologiques
« (…) Lorsque l’injonction à ouvrir les données scientifiques s’est concrétisée via la politique européenne de la science ouverte, qui demande de mettre à disposition de manière la plus large possible les données de recherche non protégées ou confidentielles (voir également, à ce sujet, la Feuille de route du CNRS pour la science ouverte parue fin 2019), les anthropologues étaient déjà depuis longtemps engagés et motivés par ce qu’ils appelaient la restitution de leurs travaux aux communautés parmi lesquelles ils avaient mené leurs recherches, aussi appelée « retour au pays » par les ethnomusicologues. La question était plutôt pragmatique : comment, quand et à qui exactement restituer ? C’est pourquoi, en 2019, nous avons saisi l’opportunité d’un appel science ouverte de l’ANR pour tenter, avec le projet Anthropen1 , de penser collectivement, au sein de la discipline, les conditions de ce partage. Nous avons appelé ce mouvement « partage » (plutôt que restitution), car il nous semble que, éthiquement parlant, ces matériaux appartiennent à la fois aux chercheurs, chercheuses et aux communautés, puisqu’ils ont été co-construits sur le terrain. Tout comme le chercheur peut élaborer, à partir d’eux, une création de l’esprit (un article, un ouvrage) qui lui soit personnelle, leur co-constructeur (interlocuteur individuel ou collectif, expert ou non-expert) doit pouvoir faire de même. Dans le cadre de ce projet, nous nous sommes d’abord penchés de manière pratique sur une série de corpus ethnographiques tests issus des fonds du LESC : l’objectif était de penser les conditions permettant de réfléchir à leur ouverture, en posant les questions légales, en nous frottant aux contraintes techniques et aux contraintes du métier, dans le but de traduire un principe (l’ouverture des données de recherche promue par le mouvement pour une science ouverte) en nouvelles pratiques pour la discipline. Si ces cas limites n’épuisent pas les configurations des données auxquelles on peut être confronté, ils permettent néanmoins d’imaginer un ensemble de procédures capables d’accompagner le traitement de cette complexité. (…) »
source > inshs.cnrs.fr , 15 juillet 2022